VENTE IMMOBILIERE – Vice caché pour dissimulation d’un défaut de permis de construire
Cass.civ.3, 10 juin 2021, 20-11.902
Constitue un vice caché le fait pour le vendeur de dissimuler l’impossibilité de reconstruire à l’identique un bien initialement vicié par l’irrégularité de son édification.
C'est ce que rappelle sans surprise la décision rendue par la Cour de cassation le 10 juin dernier.
Les faits à l’origine de cet arrêt concernent un restaurateur ayant découvert après l’achat d’un fonds de commerce, que le bâtiment abritant son restaurant avait été en grande partie édifié sans permis de construire par les cédants.
Les propriétaires vendeurs qui avaient été condamnés par la juridiction correctionnelle pour délit de défaut de permis de construire, ne pouvaient décemment pas soutenir qu'ils ignoraient cette situation.
Le restaurateur a assigné les cédants en réclamant une indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article 1648 du code civil.
La cour d’appel de Montpellier a accueilli la demande du cessionnaire au motif que même en cas de destruction fortuite de l’ouvrage édifié sans autorisation, l’acheteur serait dans l’impossibilité de le reconstruire à l’identique.
Il doit être précisé que l’article L.111-15 du code de l’urbanisme autorise en effet la reconstruction à l’identique dans un délai de dix (10) ans des bâtiments détruits ou démolis, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf nous dit le texte, "si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement".
En l’espèce l'ouvrage avait été édifié en méconnaissance des prescriptions du plan d’occupation des sols ce qui rendait impossible sa reconstruction à l'identique.
Cette impossibilité entraînait pour le restaurateur toute chance d’exploiter son fonds. Dans ces conditions, l’usage de ce que l’acquéreur attendait du bien acquis était tellement diminué, qu’il était légitime de penser que ce dernier aurait donné un moindre prix s’il avait été informé de ces faits.
Le vice caché était donc caractérisé.
Les cédants saisirent la Cour de cassation en invoquant deux arguments.
Il prétendaient tout d’abord que le juge pénal n’avait pas ordonné la démolition des extensions réalisées sans permis de construire et que lesdites extensions devaient ainsi être considérées comme régularisées.
Les demandeurs au pourvoi soutenaient ensuite que l’éventuelle impossibilité de reconstruction du bien résultait de son incompatibilité avec les normes d’urbanisme et non pas de l’irrégularité initiale de la construction.
La 3ème chambre civile rejette le pourvoi en approuvant l’analyse de la cour d’appel qui avait retenu que l’irrégularité de la construction litigieuse empêchait, au regard du droit de l’urbanisme, de reconstruire l’immeuble à l’identique, ce dont elle a souverainement déduit que cette impossibilité, dissimulée à l’acheteur lors de la vente, diminuait tellement l’usage du bien en cas de destruction fortuite de celui-ci que l’acheteur n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il avait su qu’il avait été irrégulièrement édifié.
Selon la Haute autorité de régulation, cette dissimulation du caractère illicite du bien bâti était de la sorte constitutive d’un vice caché.
Il convient de préciser que l’acheteur ignorait le caractère illicite des constructions ainsi que les condamnations pénales qui avaient été prononcées à l'encontre des vendeurs. Il s'agissait d'une investigation qui supposait d’accéder à des éléments d’information extrinsèques au bien lui-même et qui justifiait de considérer que l’ignorance de l’acquéreur au moment de la vente était légitime et que de ce fait, ledit vice de construction était indécelable pour celui-ci.
Voir également sur la fraude du constructeur : Cass.civ. 3ème, 8 juillet 2021, n° 19-23879
https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/construction-sur-la-dissimulation-et-la-fraude-du-constructeur