Cass. civ. 3, 8 juillet 2021, n° 19-25.774, 19-25.775, 19-25.777, 19-25.778, 19-25.779
Le garant d’achèvement n’est pas tenu de s’assurer du bon déroulement des travaux mais seulement de les financer. Tel est l’enseignement de la décision rendue par la Cour de cassation le 8 juillet dernier.
- Des obligations du garant d’achèvement dans la jurisprudence
Selon les dispositions de l’article R. 261-21 du code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH), la garantie dite d’achèvement peut prendre deux formes :
- celle « d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui l'a consentie s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble »,
- ou « d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ».
De jurisprudence constante, le garant d’achèvement n’est pas tenu d’intervenir lors de la construction (Cass. civ. 3, 17 mars 1999, n° 97-12.706). Il est seulement tenu de verser les fonds nécessaires à l'achèvement de l’ouvrage et de mettre ces fonds à la disposition du vendeur ou de l'acquéreur. Le garant n'a pas à intervenir dans la réalisation de la construction.
- Notamment, il n'a pas à se substituer au vendeur maître de l'ouvrage, même en cas de carence de celuici (cass.civ. 3, 21 févr. 1979, n° 7715.587 ; cass.civ 3, 17 mars 1999, n° 9712.706 ; cass.civ. 3, 15 juin 2000, n° 9822.817).
- Ainsi la garantie d'achèvement n'a pour objet que le versement des sommes nécessaires à l'achèvement. Le garant ne peut en aucun cas être condamné à achever ou faire achever les travaux (CA Aix-en-Provence, 30 janv. 2003, JurisData n° 2003212624, Constr.Urb. 2003, comm. 219). Le garant n'est pas non plus tenu de se substituer au vendeur maître de l'ouvrage.
- Il ne peut être tenu de faire procéder aux travaux (CA Aix-en-Provence, 10 mai 2001 : JurisData n° 2001154271).
Néanmoins, le garant d’achèvement dispose de certains pouvoirs sur le suivi du chantier. Depuis la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN, l’article L. 261-10-1 alinéa 3 du CCH prévoit, en cas de défaillance du maître d’ouvrage, la possibilité pour le garant de demander la désignation d’un administrateur ad hoc pour déterminer les travaux restant à réaliser, d'arrêter les modalités de leur réalisation et de les faire exécuter.
- Le contexte de l’affaire
La décision commentée permet de mieux définir l’étendue des obligations pesant sur le garant d’achèvement. Dans cette affaire, une SCI avait vendu à plusieurs accédants à la propriété, divers lots de copropriété en l’état futur d’achèvement. Une garantie financière d’achèvement avait été souscrite par les acquéreurs.
Les travaux n’ont jamais commencé du fait de la mise en liquidation judiciaire de la SCI.
Le garant d’achèvement opposa aux acquéreurs une non mobilisation de garantie au motif de la péremption du permis de construire. Dans ce prolongement, les accédants à la propriété assignèrent le liquidateur de la SCI, l’étude notariale, le prêteur et le garant d’achèvement en demandant la résolution de la vente outre le versement de dommages et intérêts.
Au soutien de son pourvoi, le notaire expose que le garant d’achèvement, qui savait le risque de péremption du permis de construire pouvant entrainer une inefficacité de la garantie, aurait dû en informer les accédants à la propriété ainsi que lui-même.
- Sur l’étendue des obligations pesant sur le garant d’achèvement
La Cour de cassation rappelle que le garant d’achèvement n’est pas tenu de s’assurer du bon déroulement des travaux (cass. civ. 3, 17 mars 1999, n° 97-12.706).
Les juges du fond avaient caractérisé qu’à la date des actes de vente et antérieurement à ceux-ci, le garant d’achèvement n’avait pas eu connaissance de la situation financière obérée du constructeur, ce que ne manque pas de relever la Cour de cassation. Cette situation financière lui avait en effet été dissimulée par la remise de fausses attestations – le garant d’achèvement n’était donc plus tenu de connaître ou de rechercher une telle information.
Cette solution n’est sur ce point pas nouvelle. Dans une autre affaire, la Cour de cassation a retenu que l’acquéreur ne pouvait reprocher au garant de livraison de l’avoir laissé signer le contrat alors que grâce aux informations reçues de l’architecte, le garant pouvait légitimement penser que l’ouvrage pourrait être achevé (cass.civ. 3, 26 novembre 2014, n° 13-22.863).
- Sur la différence entre garantie d’achèvement et garantie de remboursement
La Cour de cassation ajoute enfin que les accédants ne peuvent se retourner contre le garant d’achèvement au titre des préjudices causés par la résolution de la vente en rappelant la différence entre la garantie d’achèvement et la garantie de remboursement. La 3ème chambre rappelle ainsi que la garantie d’achèvement n’empêche pas l’application du droit général permettant notamment de demander la résolution du contrat (pour exemple, CA Paris, 16 juin 1998, n° 96-10.090).
En ce sens, le garant ne saurait être condamné à verser aux acquéreurs la somme nécessaire à l’achèvement des travaux lorsque ces derniers sollicitent la réparation d’un préjudice constitué par la perte de déductions d’impôt et de loyers, le remboursement de la TVA, les intérêts d’emprunt ou leur préjudice moral (cass. civ. 3, 29 octobre 2015, n° 14-23.354).