Cass.civ.3, 8 décembre 2021, 20-16.961, FS-D
Dans cette affaire, la société MEDICA confie à un groupement formé par la société AGENCE DURIS DELFOSSE ARCHITECTURE (ci-après la société ADDA) et la société BETOM INGENIERIE (société BETOM), une mission de maîtrise d'œuvre sur une opération de rénovation et d'extension d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, classé établissement recevant du public, exploité par la société VILLA D'EPIDAURE.
La réalisation des travaux est confiée à l'entreprise générale BREZILLON.
Au mois de février 2012, le chantier est interrompu par décision administrative administrative après avis défavorable d'une commission technique concernant le maintien de l'occupation des lieux et la poursuite des travaux qui se déroulaient sur site occupé - cette mention ne figurant pas dans la demande de permis de construire.
Le 3 avril 2012, la reprise des travaux est accordée par l’autorité administrative.
Les sociétés MEDICA et VILLA D'EPIDAURE assignent les sociétés ADDA et BETOM en responsabilité en réclamant l'indemnisation du coût lié aux travaux supplémentaires, au recrutement d'un agent de sécurité et à la perte d'exploitation.
Par arrêt du 30 avril 2020, la Cour d’Appel de RENNES rejette les demandes de condamnation du maître d’ouvrage en retenant que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne relèvent pas de la mission des sociétés ADDA et BETOM. Les juges du fond considèrent notamment que ces règles de sécurité ne faisaient pas partie du domaine de compétence de l'architecte et relevaient de la responsabilité propre du chef d'établissement. Par ailleurs, selon la cour d’appel, la demande de permis de construire modificatif pour satisfaire aux prescriptions de l'arrêté de 1980 incombait à la société MEDICA.
Aux termes de son pourvoi, la société MEDICA soutient que la cour d’appel aurait dû rechercher comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des stipulations du contrat du 15 octobre 2010 que ces sociétés s'étaient vues confier une mission complète de maîtrise d'œuvre incluant les différentes exigences administratives de l'opération immobilière dont celles liées à la sécurité contre le risque d'incendie.
La cour d'appel avait donc privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
Au visa des articles précités, la Cour de cassation énonce que le maître d'œuvre est débiteur à l'égard du maître de l'ouvrage, d'une obligation de conseil dont la nature dépend de l'étendue de la mission qui lui est confiée.
Or, pour rejeter les demandes de la société MEDICA contre les sociétés ADDA et BETOM, les juges du fond avaient retenu que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne font pas partie du domaine de compétence de l'architecte et relèvent de la responsabilité propre du chef d'établissement, que la demande de permis de construire modificatif pour satisfaire aux prescriptions de l'arrêté de 1980 incombait à la société MEDICA parce que, comme le rappelle l'expert, toutes les démarches et relations avec les administrations sont de la compétence du maître de l'ouvrage.
Selon la Haute juridiction, la cour d’appel aurait dû rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard des missions confiées par le contrat de maîtrise d'œuvre du 15 octobre 2010 et des caractéristiques de l'ouvrage, les sociétés ADDA et BETOM n'étaient pas tenues d'un devoir de conseil portant sur le respect des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public.
Sur le devoir de conseil du maître d'oeuvre, voir également :
Sur la responsabilité du maître d'oeuvre :