CONSTRUCTION – Sur le délai d’action du maître d’ouvrage en cas d'absence de réception (tacite)
Cass.civ.3, 16 septembre 2021, n°20-12.372
Dans cette affaire, la société DES IRIS avait commandé à la société RUAUX TECHNIQUE ENERGIE assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD, la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques qui devaient être intégrés à la toiture d'un bâtiment agricole.
Hélas, des infiltrations survinrent en 2010.
En 2016, le maître d’ouvrage mit en cause le constructeur et son sous-traitant.
Pour tenter de contourner les difficultés liées à l'écoulement de la prescription quinquennale dont il connaissait certainement l'existence puisque nous étions six ans après la réception alléguée, le maître d’ouvrage invoqua l'existence d'une réception tacite. Cet argument pouvait paraître contradictoire dans la mesure où la société DES IRIS avait notamment refusé de signer l'attestation de bonne fin des travaux.
La Cour de cassation retient qu’il ne pouvait y avoir réception tacite de l’ouvrage, au motif :
- que « les infiltrations, apparues en mars 2010, avaient donné lieu à trois rapports d’expertise amiable, que la société DES IRIS n’avait pas soldé les travaux au 18 juin 2013 comme elle le prétendait, puisqu’elle restait devoir une somme à ce titre au 29 juillet 2015, et avait persisté en son refus de signer l’attestation de bonne fin des travaux qui lui était réclamée » ;
- que « ces circonstances établissaient le refus de la société DES IRIS d’accepter l’ouvrage affecté des désordres, (…) la demande tendant à voir constater la réception tacite ne pouvait être accueillie ».
Cet arrêt rejoint une jurisprudence bien établie.
- Les contestations du maître d’ouvrage sur la qualité des travaux font obstacle à ce qu’une réception soit retenue (cass.civ.3, 24 mars 2016, n°15-14830 ; cass.civ.3, 14 décembre 2017, n°16-24752).
- Cette solution se vérifie également dans l’hypothèse d’un paiement presque intégral des travaux (cass.civ.3, 4 avril 2019, n° 18-10.412 ; CA Basse Terre, 20 janvier 2020 n°18-007841).
- Le maître de l’ouvrage qui fait constater des désordres par huissier et met en demeure l’entreprise de reprendre les travaux, puis fait délivrer une assignation en référé expertise n’exprime pas la volonté de recevoir les travaux (cass.civ.3, 5 mars 2020, n°19-13.024).
- Les maîtres d'ouvrage ayant continuellement dénoncé la mauvaise qualité des travaux accomplis, qui n'ont pas réglé l'intégralité desdits travaux et qui n'ont pas pris possession des lieux, ne justifient pas avoir réceptionné tacitement les travaux (cass.civ.3, 18 mars 2021, 19-24.537).
- La contestation de la qualité des travaux par le maître de l’ouvrage ainsi que de la compétence de l’entreprise pour les réaliser manifeste selon la Haute autorité de régulation, une volonté expresse et persistante de ne pas recevoir les travaux (cass.civ.3, 23 septembre 2020, n°19-19.969).
- Le caractère équivoque de la volonté des maîtres d’ouvrage qui contestent continuellement la qualité des travaux fait enfin obstacle à la réception tacite (cass.civ.3, 1er avril 2021, 2014.975).
Au visa des articles 1792-4-3 et 2224 du code civil, la Cour de cassation retient qu’en l'absence de réception tacite, seule la responsabilité de droit commun pouvait être retenue à l'encontre du maître d'ouvrage.
Le régime de responsabilité de droit commun ne doit pas être confondu avec le régime des dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil, qui concerne quant à lui les désordres survenus après la réception de l’ouvrage.
Dans ce cas d'espèce, le délai de recours du maître d’ouvrage était ainsi de cinq (5) ans et non de dix (10) ans - comme c’est le cas pour les désordres dits intermédiaires.
Voir également sur la notion de réception tacite :