Paris 1er

CONSTRUCTION - Capacité à agir en justice de l'AFUL et interruption de la prescription à l'égard des constructeurs


 

Cass.civ. 3ème, 15 avril 2021, n°19-18093

 

 

Cette décision permet à la Cour de cassation de statuer une nouvelle fois sur la capacité à agir en justice de l’Association Foncière Urbaine Libre (AFUL) ainsi que sur la précision des désordres qui doivent être visés à l’assignation devant interrompre le cours de la prescription.

 

 

  • Publication des statuts et capacité à agir en justice de l'AFUL

 

En tant qu’Association Syndicale Libre (ASL), l’AFUL est soumise à des formalités de publication notamment prévues par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004. La déclaration de l’association syndicale libre est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association a prévu d’avoir son siège. Deux exemplaires des statuts doivent être joints à la déclaration contre récépissé remis sous cinq (5) jours.

Dans le délai d’un (1) mois courant à compter de la délivrance du récépissé, un extrait des statuts est publié au journal officiel.

L'obligation de publicité est une condition de la capacité à agir en justice de l’ASL. L’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 prévoit que « les associations syndicales de propriétaires peuvent agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer sous réserve de l’accomplissement des formalités de publicité prévues selon le cas aux articles 8, 15 ou 43 ».

 

  • Rappel des faits

 

Dans cette affaire, l’établissement public autonome Aéroports de Paris devenu la société Aéroports de Paris (ADP), avait, par acte sous seing privé du 25 juillet 1990, consenti à la société Kaufman & Broad Développement (Kaufman & Broad) deux baux à construction sur un terrain dont il était propriétaire, pour y faire édifier huit bâtiments reliés entre eux par un passage piéton couvert d’une verrière et comprenant deux niveaux de sous-sol à usage de parcs de stationnement.

Par acte authentique du 15 mars 1991, la société Kaufman & Broad et l’établissement ADP avaient établi un état descriptif de division en volumes portant création de sept (7) lots, ainsi que les statuts et le cahier des charges de l’association foncière urbaine libre Roissy Air Park devant être une AFUL.  

Par acte authentique du 15 mai 1991, la société Kaufman & Broad a vendu en l’état futur d’achèvement le lot numéro 1 au groupement d’intérêt économique Roissypole aux droits duquel venait l’établissement ADP.

Par un deuxième acte authentique du 27 novembre 1991, la société Kaufman & Broad vendait en l’état futur d’achèvement les lots de volume numérotés 2 à 5 à la société civile immobilière Roissy Bureau International (RBI), qui les a revendus à la société civile immobilière Dôme properties.

La réception de travaux est prononcée avec réserves le 9 avril 1993 avec effet au 30 mars 1993.

L’AFUL, l’établissement ADP et la société Dôme properties ont assigné en ouverture de rapport la société Kaufman & Broad et son assureur en demandant leur condamnation à réparation des préjudices liés aux désordres.

Par arrêt du 17 avril 2019, la Cour d’appel de Paris déclarait nulles toutes les assignations qui avaient été délivrées par l’AFUL avant le 17 octobre 2003. Retenant que cette dernière n’avait pas interrompu le délai de la garantie décennale, la cour a déclaré irrecevables comme prescrites, toutes les demandes formées par l’AFUL à l’encontre du promoteur immobilier.

 

  • 1er aspect : sur la capacité à agir en justice de l’AFUL

 

Selon la Haute autorité de régulation, il faut distinguer deux types de situations.

1° Lorsque l’acte a été délivré par une ASL qui n’a pas publié ses statuts constitutifs, l’irrégularité qui résulte de ce défaut de publication lequel prive l’association de sa personnalité juridique, constitue une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (cass.civ.3ème, 15 décembre 2004, n° 03-16434 ; cass.civ.3ème, 10 mai 2005, n°02-19904 ; cass.civ.3ème, 24 octobre 2012, n°11-11778).

2° Lorsque l’acte a été délivré par une ASL qui a publié ses statuts mais ne les a pas mis en conformité avec les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004, l’acte de saisine de la juridiction délivré au nom de l’association est entaché d’une irrégularité de fond pour défaut de capacité à agir en justice qui peut être régularisée jusqu’à ce que le juge statue (cass,civ.3ème, 5 novembre 2014, n°13-25099 ; cass.civ.3ème, 3 décembre 2020, n°19-20259).

Ensuite, la Cour de cassation fait application des dispositions de l’article 2247 du code civil antérieures à la réforme du 17 juin 2008, enonçant alors que l’interruption de la prescription devait être regardée comme non avenue lorsque l’assignation est nulle pour défaut de forme.

L’AFUL n’ayant publié ses statuts que le 17 octobre 2003, cette dernière était donc dépourvue de la personnalité juridique avant cette date. La Cour d’Appel de PARIS avait à bon droit estimé que « les assignations délivrées par l’AFUL avant la fin de la garantie décennale, intervenue le 30 mars 2003, n’avaient pu produire aucun effet interruptif et que l’irrégularité de fond qui affectait ces assignations ne pouvait pas être couverte »

 

  • 2ème aspect : sur la nécessité de mentionner chacun des désordres dans l’acte interruptif de prescription

 

Pour bénéficier de l'effet interruptif de la prescription, le demandeur doit viser l'intégralité des désordres allégués au soutien de l'assignation qu'il entend faire délivrer.

La 3ème chambre civile rappelle une jurisprudence constante en la matière (cass.civ.3ème, 19 septembre 2019, n°18-17138 ;  cass.civ.3ème, 7 avril 2015, n°14-15228 ; cass.civ.3ème, 24 mai 2017, n°15-19982).

L’un des demandeurs avait fait délivrer le 12 septembre 1996, une assignation visant une première liste de désordres. Les désordres affectant les peintures de sols du premier sous-sol qui avaient été omis de la liste, firent l’objet de demandes ultérieures.

La cour d’appel rejette la demande fondée sur la seconde série de désordres en relevant que la liste contenue dans l’assignation du 12 septembre 1996 était qualifiée par le demandeur de « non limitative ». Aucun effet interruptif de prescription à l’égard des désordres affectant les peintures ne pouvait donc être attaché à cette assignation.

Sans surprise, la 3ème chambre civile rejette le pourvoi en confirmant qu’une « assignation en justice ne peut interrompre le délai de garantie décennale des constructeurs qu’en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés ».

 

 

 


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